Violences & Polémiques

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Dans un monde où prévaut la dictature de l’émotion, il faut aller toujours plus vite pour marquer les esprits. Halte à la nuance qui nous permet de conserver un semblant de politesse, un principe de précaution naturel… il faut taper vite et fort sans aucune vérification préalable et sans imaginer une seconde que nous ne puissions être légitimes à prendre la parole sur tous les sujets.

Sur les réseaux sociaux, caché derrière un pseudo, on peut tout s’autoriser, retirer le filtre de la bienséance qui prédomine en société pour laisser place au pire de nous-mêmes. Indignations et invectives, plus le contenu est chargé émotionnellement, plus il aura des chances d’être partagé. Or, que vaut un tweet, s’il n’est pas partagé? Pas grand-chose, puisque sa valeur marchande réside dans sa viralité. Les réseaux sont sans visage. Or sans altérité, pas de prise de conscience de l’émotion face à un tweet. La polémique est devenue une guerre, celle des mots dont on refuse de prendre conscience, celle du mépris constant.

Polémique vient du grec ancien polemikos qui signifie “relatif à la guerre”. Une polémique est une violence métaphorique, une bataille des mots. Ce terme fait partie de cette catégorie de mots que l’on retrouve dans le champ sémantique de la guerre que ce soit la joute oratoire, le débat ou bien encore la dispute. Nous sommes entrés en lutte armée. La plume blesse, elle écorche, elle implique un autre, car il faut qu’il y ait, en toile de fond, affrontement avec un système permettant que soit définis préalablement le terrain, les armes et les règles. Polémiquer, c’est essayer de falsifier la parole de l’autre en énonçant une formule a contrario de celle initialement posée. Il y a ainsi préalablement l’écoute d’une information admise qui sera par la suite réfutée dans un contexte de passion, voire de violence. Préférer le terme polémique à celui de débat, par exemple, donne d’ores et déjà la teneur de l’échange. Le contenu qui en découle discrédite automatiquement l’adversaire, renvoyant presque à l’attaque personnelle. Les superlatifs sont donc de mise, frisant l’injure, forme extrême de la radicalité alors même que le débat doit se poursuivre.

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