Tout a commencé il y a 11 000 ans, au début du néolithique. La Terre connait alors un réchauffement climatique sans précédent. De grandes savanes apparaissent où poussent blé et orge sauvages. Elles se peuplent de bœufs, moutons et chèvres sauvages. Les hommes se regroupent en tribus. Ils polissent le granit pour faire des armes et outils. Les chasseurs-cueilleurs nomades commencent à cultiver et à élever des animaux, mais aussi à fabriquer, et probablement à échanger, les premiers objets. C’est l’apparition du troc.
Les siècles passent. Les populations nomades se sédentarisent. Au Proche-Orient, en Chine et en Amérique centrale des villages se créent. Le troc se généralise : on donne ce qui est en trop contre ce qui manque. Les foyers de civilisation s’étendent, mais le troc ne favorise pas le développement des échanges, l’offre ne rencontrant pas toujours sa demande.
Progressivement des unités d’échange apparaissent : des coquillages bien souvent, puis des métaux précieux comme l’argent et l’or. Il faut attendre le VI° siècle avant Jésus-Christ pour voir apparaître les premières pièces frappées dans un atelier et signées par leur propriétaire. C’était en Lydie à l’ouest de l’actuelle Turquie, face à Athènes. La monnaie fera la fortune de ce royaume. Quelques années plus tard, son monarque, le roi Crésus, deviendra, le premier homme le plus riche du monde…
La monnaie prend son essor avec les grands empires grecs puis romains. Jusqu’au XIXe siécle, elle n’a d’autre fonction que d’être une contre valeur commode, facilement échangeable car elle se présente sous une taille réduite, du fait du prix qui est attribué à la matière dont elle est faite (l’or, l’argent..) : on peut acheter un cheval avec quelques pièces d’or que l’on a en poche…si on les a !
Ce n’est qu’au XX° siècle qu’elle commence à se dématérialiser, c’est-à-dire perdre sa contre-valeur et sa substance physique en étant remplacée par du papier (chèques) puis du plastique (cartes de paiement) ou des échanges immatériels (transactions électroniques, via internet et bientôt la téléphonie mobile).
Le commerce international a connu un développement sans précédent à la fin du Moyen Age. Il a pris son essor à Venise, cité-État ouverte sur le monde. Libérée des contraintes de la société féodale et de son organisation par métiers, Venise est la première à comprendre l’importance du libre-échange. Dès 1082, l’empereur byzantin, Alexis Comnène, conclut un accord avec la cité. Il permet aux Vénitiens de commercer librement dans les grandes villes de son Empire sans taxes douanières. En échange, la flotte militaire vénitienne est mise à la disposition de l’empereur.
Ce contexte d’ouverture a favorisé les échanges commerciaux et stimulé la création artistique. Venise exporte aussi ses artistes, parmi lesquels Léonard de Vinci, peintre, sculpteur, inventeur, anatomiste… C’est la période fastueuse de la Renaissance.
A l’exemple de Venise, Gênes et Pise partent à la conquête de l’Orient et de ses richesses. Plus au nord en Europe, d’autres villes s’affranchissent à leur tour du système féodal et prospèrent rapidement. Hambourg, Bruges, Lübeck, Dantzig et d’autres grands ports s’associent du XIII° au XVII° siècle au sein de la Ligue hanséatique. Elles contrôlent le commerce de la Mer Baltique et de la Mer du Nord, porte ouverte sur l’Atlantique. La ligue devient une puissance économique et politique considérable. La mondialisation de l’économie (bien que limitée alors aux territoires découverts à l’époque par les Européens) est en marche...
A la fin du XVIIIe siècle en Angleterre, puis en France au début du siècle suivant, l’activité économique change de nature en quelques décennies seulement. On passe d’une économie essentiellement agraire à une production de biens manufacturés à grande échelle.
L’Allemagne puis les États-Unis, s’industrialiseront à leur tour à partir du milieu du XIXe siècle, puis ce sera la Russie et le Japon à l’aube du XXe siècle. Jamais dans l’histoire de l’économie on n’avait assisté à un changement aussi radical et rapide de modèle économique.
Une vraie révolution qui engendrera également des bouleversements sociaux considérables. Les paysans deviennent ouvriers. Ils ne récoltent plus du blé dans les champs mais du charbon dans les mines.
Comment expliquer une telle rupture à ce moment là ? La révolution est, au départ, technique. Avec les perfectionnements de la machine à vapeur, la mécanisation se développe et les usines remplacent les manufactures. Les progrès de la métallurgie permettent, par ailleurs, de construire des machines plus performantes. Les gains de productivité sont colossaux.
Les innovations se multiplient. Les découvertes ou améliorations en engendrent d’autres : beaucoup d’entre elles n’auraient pas pu voir le jour sans les progrès réalisés dans d’autres domaines. Sans la fonte, pas de chaudière et pas de vapeur. Sans laminoirs, pas de rail et pas de chemin de fer…
Depuis le monde a connu d’autres révolutions économiques, toujours initiées par une innovation technologique ; la dernière en date : internet et les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont permis la mondialisation.
Par son ampleur et les drames qu’elle a provoqués, la crise de 29 est une situation heureusement très rare dans l’histoire économique et sociale. La précédente datait de 1847 et avait entraîné la révolution de 1848. La crise de 1929, partie des États-Unis, se diffusera dans le monde entier sous la forme d’une grande dépression généralisée.
Dès le printemps 1929, des nuages s’amoncellent sur l’économie américaine après plusieurs années de croissance vigoureuse. Les résultats des entreprises se dégradent, la production automobile baisse ainsi que les revenus agricoles et la construction de logement fléchit. A Wall Street, la spéculation continue pourtant de plus belle. On emprunte pour acheter des actions. La frénésie est générale et les banques prêtent à tout-va. Entre le début 1928 et octobre 1929, le montant total des prêts double. Les cours des principales valeurs flambent. Le jeudi 24 octobre (Jeudi noir ou Black Thursday), c’est le krach. Tout le monde veut vendre ses titres, personne n’achète. À midi, l’indice dow jones (l’équivalent du cac 40) a perdu 22,6 %. La baisse se poursuit pendant trois ans : les cours boursiers ont chuté de 87%, les banques font faillite. Cette déroute financière met rapidement à genoux l’économie réelle.
La conflagration touche de plein fouet l’Europe, les banques américaines réclamant le remboursement immédiat des prêts consentis pour la reconstruction d’après guerre. Seule la France semble, dans un premier temps, épargnée. Mais cela ne durera pas et l’économie française sera une des dernières à redémarrer, juste avant la Seconde Guerre mondiale. Deux chiffres suffisent pour mesurer l’importance de cette dépression planétaire : la production industrielle américaine a baissé de moitié de 1929 à 1932 et le taux de chômage est passé de 3,1% à 24%.
Si la crise actuelle présente quelques symptômes similaires à ceux de la crise de 29, les organismes créés depuis tels que les banques centrales, le FMI (Fonds Monétaire International), la banque Mondiale, s’efforcent de corriger les dérives.
L’expression « Les trente glorieuses » est reprise du titre d’un livre de Jean Fourastié consacré à l’expansion économique sans précédent qu’a connu la France, comme les autres grands pays industriels, du lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au choc pétrolier de 1973. Jean Fourastié a choisi de donner ce nom à cette période en référence à la révolution de 1830 qualifiée traditionnellement de "Trois glorieuses". Pour lui, 1830 marque un tournant politique majeur en France, et la période 1945-1973 des "Trente Glorieuses" peut-être considérée comme son équivalent sur le plan économique.
On a, depuis, oublié son sous-titre : « La révolution invisible ». Il décrit bien cette révolution qui ne s’est pas faite en un jour, mais a été permanente pendant près de trois décennies. Elle s’est faite sans les à-coups des habituels cycles économiques.
Avec l’aide américaine du plan Marshall, l’Europe occidentale, sortie exsangue de la guerre, retrouve en seulement cinq ans son niveau de vie d’avant-guerre. Mais les Français et Françaises, comme les autres Européens, ne font pas que travailler : ils font aussi des enfants. C’est le « baby boom ».
L’expansion économique continue par la suite à marche soutenue : de 1950 à 1973, la croissance annuelle des douze pays qui adhéreront à la Communauté européenne a été en moyenne de 4,6% ! Un dynamisme qui fait aujourd’hui rêver. L’exode rural est important, les villes s’étendent et la consommation se développe. Le rattrapage technologique vis-à-vis des États-Unis, notamment le développement de la télévision, change les habitudes de vie. Le rêve américain devient réalité. Les ménagères achètent des machines à laver le linge, puis la vaisselle. Les Français s’enrichissent, le chômage tombe en Europe à 2,4% de la population active et les premiers lotissements de maisons individuelles préfabriquées se multiplient : à chacun son « home sweet home ». Une époque bénie qui sera brutalement interrompue par le premier choc pétrolier de 1973.
Aujourd’hui, c’est la Chine qui vit sa période glorieuse au plan économique, mais il est difficile de dire combien de temps elle durera.
Qui a dit : « L’Europe n’atteindra pas la position dominante à laquelle lui donnent droit le talent, la compétence et l’intelligence des nations qui la composent tant que son territoire restera morcelé » ? Jean Monnet, le général De Gaulle ou Jacques Delors ?
Aucun des trois.
C’est bien un général, mais c’est surtout le Président des États-Unis de 1953 à 1961, Dwight Eisenhower.
Et ce n’est pas vraiment étonnant. Washington a non seulement financé la relance des économies d’Europe occidentale au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec le plan Marshall, mais a aussi souhaité son unification politique et économique. Ceci pour quatre raisons évidentes : ne pas être obligé d’intervenir une troisième fois pour mettre fin à une nouvelle guerre entre des pays européens, faire contrepoids à l’Union Soviétique et aux autres pays du bloc de l’Est, pour que la croissance économique détourne les populations de la tentation communiste et, enfin, pour avoir un partenaire économique et un marché à sa taille.
Ces souhaits seront exaucés au fil des traités économiques et politiques. Tout a commencé avec la création de la première institution communautaire, la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) en 1951. Six pays, principalement la France et l’Allemagne, mettaient en commun la production et la consommation du charbon et de l’acier. Acte de réconciliation hautement symbolique entre les ennemis d’hier.
L’intégration économique va franchir un nouveau pas décisif en 1957 avec le Traité de Rome, acte de naissance de la CEE (Communauté économique européenne). L’économie reste, depuis, le ciment de la « maison Europe » avec, entre autres, l’Union douanière et la monnaie unique l’euro. Parallèlement, les institutions politiques communes se sont développées avec la création de l’Union Européenne en 1992.
Aujourd’hui, l’Union européenne compte 27 pays membres.
Au début des années 70, les pays industrialisés qui viennent de connaître près de trois décennies de forte croissance (« Les Trente Glorieuses ») sont largement dépendant du pétrole. Les deux tiers de l’énergie consommée en Europe sont importés, principalement du Moyen-Orient. Les pays pétroliers prennent alors conscience qu’ils sont en position de force. Entre 1970 et 1973, le prix de ce qui devient l’ « or noir » double. Mais ce n’est qu’un début.
Fin 1973, à la suite de la guerre du Kippour entre Israël et ses voisins arabes, les pays du Golfe décident, en guise de rétorsion contre les pays alliés à l’État hébreu, de réduire leur production. L’Arabie Saoudite, qui fournissait à elle seule 21% de la production mondiale de brut, va encore plus loin en imposant un embargo de ses exportations vers les États-Unis notamment. C’est la panique et le prix du baril flambe. En quelques semaines, il sera multiplié par quatre, passant de 4 à 16 dollars. Les économies occidentales ne peuvent pas faire face. La croissance s’effondre et le chômage augmente.
Bis repetita et coup de grâce en 1979. La chute du Shah d’Iran et la révolution islamique dans ce pays, alors important producteur de pétrole, engendre un nouveau doublement du prix du baril, de 20 à 40 dollars. C’est le second choc pétrolier.
Depuis, la France, pays où l’on « a pas de pétrole, mais on a des idées », est moins dépendante de cette source d’énergie avec notamment le développement de l’énergie nucléaire. Et par ailleurs l’ensemble des pays industrialisés a appris à produire plus avec moins de pétrole, ce qui les rend moins sensibles à l’augmentation de son prix.
Confronté aux hausses du chômage et de l’inflation liées à la crise économique mondiale des chocs pétroliers, l’État peut-il continuer à financer une protection sociale, certes généreuse, mais dispendieuse ? Cette question se pose dés le milieu des années 70 en France, mais aussi en Allemagne et dans les pays du nord de l’Europe, où l’« État-providence » n’a plus les moyens de ses ambitions économiques et sociales du fait du ralentissement de la croissance.
L’État qui avait joué un rôle actif dans l’économie en finançant, notamment des grands projets industriels et en réduisant les injustices sociales, est contraint à la rigueur budgétaire. Les gouvernements des principaux pays européens mettent ainsi en œuvre, avec plus ou moins de détermination, des politiques d’austérité et de réduction des dépenses publiques. En France, Raymond Barre, Premier ministre de 1976 à 1981, lance le premier « plan de rigueur » destiné à juguler l’inflation et le chômage. D’autres plans suivront, avec des résultats globalement décevants. La machine économique peine à redémarrer et le nombre de sans-emploi monte en flèche : de 5,5% en 1978 à prés de 12% en 1993.
Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher, au pouvoir de 1979 à 1990, est inflexible face aux syndicats qui refusent sa politique ultralibérale. Elle y gagne non seulement son surnom de « dame de fer », mais aussi un désendettement de l’État et une relance économique, mais au prix d’inégalités sociales grandissantes et de nombreuses fermetures d’usines. La définition du périmètre de l’État fait toujours en France l’objet de débats très animés.
Économiquement, le XXe siècle s’est terminé en apothéose et le début du XXIe a commencé sous les meilleurs auspices. On a pu croire au retour des années fastes de l’après guerre. Malheureusement, le dynamisme s’est transformé en irrationnelle frénésie : tout est allé trop vite et trop haut.
La bulle spéculative a éclaté et Ben Laden a donné le coup de grâce le 11 septembre 2001, de cette trop brève période où tout semblait possible et où certains prédisaient même la fin des cycles économiques.
Les progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et le développement d’Internet ont engendré cette soudaine euphorie. Estimé à 4 milliards de dollars en 1994, le chiffre d’affaires mondial directement généré par Internet aurait atteint les 301 milliards de dollars (318 milliards €) en 1998. En France les NTIC auraient contribué cette même année à 5 % du PIB et 15 % de la croissance économique. On a alors évoqué une nouvelle révolution industrielle. Les investisseurs prêtaient pratiquement les yeux fermés pour financer le « e-business » les « start up » qui poussaient comme des champignons. L’économie mondiale semblait avoir trouvé son Graal, comme en témoigne l’apologie d’Internet faite à l’époque par John Chambers, patron de Cisco Systems : « l’augmentation inouïe de la productivité va accroitre le niveau de vie de l’ensemble des habitants de la planète alors que la révolution industrielle n’avait concerné que 20 % d’entre eux. La libre circulation de l’information va promouvoir la démocratie et augmenter le niveau d’éducation et de soins. (…) Le siècle Internet va tout changer »...
Après l’hégémonisme américain et européen sur l’économie mondiale, va-t-on assister à une domination de la Chine et de l’Inde ?
Si ces deux nouvelles puissances économiques continuent à leur rythme actuel de croissance, cela semble inexorable. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et l’écroulement des régimes communistes, les États-Unis exercent un leadership économique et politique sans précédent et les pays d’Europe de l’Est ont rejoint l’Union européenne. Mais le rééquilibrage de l’économie mondiale au profit de l’Orient va, sans nul doute, s’accélérer dans les prochaines années. Alors que l’on envisage aujourd’hui une récession aux États-Unis, l’économie chinoise continue à enregistrer des taux de croissance exceptionnels (avec une moyenne annuelles ces vingt dernières années autour de 10%). Avec un taux de croissance de plus de 9% l’an, l’Inde avance, elle aussi, à pas de géant. Est-elle en surchauffe ou rattrape-t-elle, comme la Chine, très rapidement son retard de développement ? Les avis divergent.
Mais cette nouvelle donne n’a, en fait, rien de vraiment surprenant. On assiste à une redistribution des cartes qui se fait au profit des pays les plus peuplés. Reste à savoir si ces pays seront capables de redistribuer les richesses au plus grand nombre. C’est loin d’être le cas aujourd’hui, le décollage économique ne profitant qu’à une minorité. Si les inégalités ne sont pas réduites, les tensions vont s’accentuer. Une perspective qui est, elle, particulièrement inquiétante.