L'Oréal vient d'indiquer qu'il retirait les mots "blanc" ou "blanchiment" de ses descriptions de produits cosmétiques. Et ce n'est pas la seule marque qui met en place des actions symboliques contre le racisme. Il ne faut jamais sous-estimer la force des symboles. La mort de George Floyd a été une émotion mondiale. Cette initiative de L'Oréal a certes fait sourire, mais les marques de portée mondiale sont philosophiquement attachées aux droits de l'Homme.
Depuis quelques jours, on voit ainsi beaucoup de multinationales se positionner contre le racisme, réécrire leur histoire, boycotter temporairement les réseaux sociaux comme Facebook, Instagram ou Twitter. On appelle ça le "storytelling" : raconter une histoire qui surfe sur l'état d'esprit du moment.
L'intérêt est évidemment marketing, pour travailler l'image de marque. Celles qui se distinguent s'adressent aux jeunes générations. Ce sont des marques mondiales qui se développent auprès d'une population métissée dans les pays développés mais qui va surtout chercher un relais commercial en Asie (la Chine est une priorité pour L'Oréal par exemple), en Inde (Unilever a aussi changé son vocabulaire sur les produits cosmétiques là-bas) ou en Afrique. Ces marques ne peuvent pas être perçues comme "racistes" mais, surtout, elles s'adressent de plus en plus à des populations qui ne sont pas blanches.
S'engager pour la défense des minorités ne fait pas forcément vendre. Mais être soupçonné de racisme peut coûter très cher. Exemple avec H&M, qui a pu nettoyer sa réputation dans la foulée du mouvement de soutien à George Floyd. La marque avait fait polémique, il y a quelques mois, avec la photo d'un enfant noir qui portait un T-Shirt sur lequel était inscrit le message : "le singe le plus cool de la jungle". H&M avait subi un appel à boycott. En outre, afficher des valeurs nobles, comme la lutte contre le racisme, permet d'attirer les jeunes talents : c'est l'un des motifs de choix des "millénials" qui arrivent sur le marché du travail.
Il y a par ailleurs un marché pour les groupes de cosmétiques auprès des jeunes d'origine africaine, arabe ou asiatique. Un marché en pleine croissance, puisque cela fait moins de 20 ans que les marques de cosmétiques travaillent sur les peaux de couleur. Cela a commencé chez les coiffeurs qui se sont adaptés aux cheveux crépus, avant de s'étendre aux soins de la peau.
Aujourd'hui, ce qu'on appelle le "marketing ethnique" représente 50 à 60 millions d'euros en France. Il est en croissance. C'est à peu près une femme sur 3 qui est concernée par ces produits (c'est encore un marché très féminin) et les femmes noires dépensent 4 fois plus pour leurs soins cosmétiques que les autres.
Ce mouvement anti-racisme est même en train d'obliger Facebook à changer sa politique de publication des messages. Au cours des dernières heures, Vérizon (le leader des télécoms aux États-Unis), Unilever, Coca-Cola, Levi's ont décidé de stopper leurs publicités sur les réseaux sociaux où il y a trop de messages de haine et de racisme qui circulent. Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a indiqué qu'il allait durcir les filtres pour lutter contre ces messages.
Le groupe gagne de l'argent grâce à la publicité ciblée qu'il propose sur son réseau de 2 milliards de membres. Avec Google, il capte 75% de la pub en ligne dans le monde, et ne peut donc pas perdre ses annonceurs. Il va agir, alors que l'appel des chefs d'État à l'issue du massacre raciste de Christchurch filmé en direct sur le réseau n'avait pas vraiment fait bouger le groupe. Il ne faut jamais sous-estimer les symboles. Surtout quand ils pèsent plusieurs milliards...